vendredi 28 septembre 2018

125.


  Trompette d'alerte. Nout et Geb sont réveillés par le son caractéristique annonçant une catastrophe imminente. Ils se lèvent, s'approchent de la fenêtre et, en un regard, mesurent la situation.
  Des milliers de petits humains en armure brandissent des armes de métal et hurlent. Certains, à cheval, forment une cavalerie. Ils enflamment les maisons des Atlantes les unes après les autres et parviennent à faire choir les géants qui tentent de les arrêter. Les flèches aux pointes non plus de silex mais de fer s'enfoncent profondément. De même que les lances, les haches, les couteaux.
  Les points stratégiques tenus par les Atlantes cèdent peu à peu face aux nouvelles armes perfectionnées qu'utilisent les petits hommes.
  - Va chercher Osiris, Seth, Isis et Nephtys, il faut vite déguerpir, dit Geb en attrapant les deux jarres qui contiennent les parchemins.
  Tous les six s'enfuient dans la direction opposée. Une fois arrivés sur la colline qui surplombe Mem-phis, ils s'arrêtent pour observer de manière panoramique la situation.
  - Nous étions leurs dieux. J'avais fini par croire qu'ils nous aimaient vraiment, confesse avec peine la femme atlante.
  - Je crois bien qu'ils ont abattu leurs idoles.

  - Pourtant nous les avons éduqués comme des parents attentionnés.
  - Dans ce cas, ce sont des enfants ingrats. Ou en tout cas des enfants qui veulent s'émanciper de notre tutelle, dit-il.
  - Quel a été l'élément déclencheur ? Pourquoi la religion n'a-t-elle pas suffi à contenir leur pulsion de destruction ? questionne-t-elle.
  - Parce qu'ils ont réinterprété la même religion que nous leur avons inculquée pour lui faire dire l'exact contraire.
  - Nous avons pourtant tout fait pour être clairs.
  - Un jour ils oublieront ce que nous leur avons apporté et ils nous transformeront en divinités imaginaires pour ne plus avoir à se rappeler ce qu'il s'est vraiment passé. Ils vénéreront un Geb et une Nout entièrement réinventés au gré de leurs besoins politiques. Ils nous feront dire des choses que nous n'avons pas dites. Ils prétendront que nous étions le contraire de ce que nous sommes. Et il n'y aura personne pour les contredire.
  - On contacte Né-hé pour savoir ce qu'il faut faire ?
  Geb laisse échapper un soupir.
  - Inutile de le déranger. Cela fait tellement longtemps que nous ne nous sommes par parlé que je ne pense pas qu'il se soucie encore de nous. Et puis, il nous a déjà dit tout ce que nous devions faire.
  Ils voient les maisons des Atlantes être incendiées une à une par les minuscules envahisseurs.
  - Allons-y, dit-il.
  - Où ? demande Nout.
  - Dans la caverne sanctuaire.
  - Je crois que le mieux serait que nous nous séparions. Osiris, Seth, Isis et Nephtys sont nos derniers espoirs. Ils ont leur vie à commencer. Toi et moi nous devons terminer la nôtre.
  Alors ils conseillent à leurs quatre enfants de partir vers le sud-est, de remonter le fleuve et de fonder, là où cela leur semblera le plus propice, une civilisation.
  - Souvenez-vous de nos conseils. Ne faites pas n'importe quoi avec les indigènes. Il faut punir très vite les moindres contrevenants avant que cela ne dégénère. Il faut créer une caste de prêtres dirigeants pour les contenir par la superstition. Il ne faut pas tout leur apprendre trop vite.
  Les quatre enfants promettent de rebâtir une nouvelle Mem-phis mieux maîtrisée et, à partir de là, de faire rayonner la sagesse de l'Ha-mem-ptah disparue.
  Ils s'étreignent et se séparent pour prendre des routes différentes.

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