vendredi 28 septembre 2018

86.

Il ouvre d'un coup les yeux.
  - Des géants ! s'exclame-t-il. Les Atlantes sont des géants ! Depuis le début je ne me rendais pas compte de leur taille ! Mais ce sont des géants de 17 mètres !
  Opale, qui se remet doucement de sa régression, fronce les sourcils. René se lève pour noter sur Mnemos ce qu'il vient de découvrir et lui confie :
  - Le rapport entre nos deux espaces-temps est de dix. Tout est lié à ce nombre. Ils vivent dix fois plus longtemps. Ils sont dix fois plus grands. Des géants ! Ce sont des géants ! Les Atlantes sont des géants ! répète-t-il comme s'il n'arrivait même pas y croire lui-même.
  - Et vous ne l'aviez pas vu avant ? demande la jeune femme, étonnée.
  - Non, car tout était proportionné. Leurs cocotiers devaient être immenses, leurs chats, leurs oiseaux, leurs papillons, tout était à leur mesure. Et nous sommes, pour eux...
  De petits singes.
  - ... de petits hommes aux vies éphémères.
  Opale gratte ses plaques de psoriasis d'un air dubitatif.
  - Vous ne me croyez pas ?
  - Au point où j'en suis... J'ai déjà accepté qu'ils avaient une longévité de 1 000 ans et qu'ils pratiquaient le voyage astral comme nous prenons l'avion, alors, qu'ils aient des tailles titanesques, si, en fait, je peux l'envisager.
  René est tout excité.

  Des géants. J'ai parlé à un géant, représentant une espèce de géants qui a préexisté à notre espèce.
  - Sinon, leur arrivée en Égypte s'est bien passée ?
  - Parfaitement, oui. Nous avons mis au point un plan de sauvegarde : ils vont laisser à leur époque un message que nous pourrons trouver à la nôtre. Il faut seulement choisir la grotte idoine pour qu'ils y déposent les preuves de leur existence. Ensuite, nous pourrons les récupérer et les dater.
  Elle souffle un nuage de fumée.
  - Si cela se produit ainsi, vous êtes en train d'écrire l'Histoire.
  - Que voulez-vous dire ?
  - Eh bien, si vous n'étiez pas retourné dans votre vie précédente, si vous n'aviez pas averti Geb du Déluge, si vous ne lui aviez pas inspiré l'idée de construire un grand bateau, puis donné des indications pour se rendre en Égypte, peut-être qu'ils n'y seraient jamais allés.
  - Et ?
  - Peut-être que ce sont eux qui sont à la source de la civilisation égyptienne. Ils ont bien des géants dans leur cosmogonie, n'est-ce pas ?
  - Je n'ai pourtant fait que réagir à chaque événement en fonction de ce qui me semblait la meilleure manière de survivre...
  - Peut-être que vous avez accompli ce que vous deviez accomplir - ce qui était écrit. Peut-être que je n'ai appris l'hypnose que pour vous rencontrer. Nous ne sommes que les pions d'un projet plus vaste qui nous dépasse.
  - Seriez-vous mystique, mademoiselle Etchegoyen ?
  - Non, je suis juste consciente d'être dans un jeu dont je ne connais pas les règles. Et au lieu de recourir au concept de " Destin " ou de " Dieu ", je me dis simplement que nous participons à une histoire qui a peut-être été préécrite. Toutes les cartes sont bien disposées, et nous avons sauvé cent quarante-quatre Atlantes géants qui sont en train de s'installer en Égypte.
  Comme si elle craignait d'être entendue, elle allume la radio. Une musique locale résonne dans la pièce, couvrant le bruit des klaxons venus de dehors.
  - Mais alors, si tout a été écrit, je n'ai aucun pouvoir de décision...
  - C'est ce que j'essaie de comprendre. Il semble malgré tout que nous décidions quand même et que tout change en fonction de nos choix.
  Elle se penche par la fenêtre et observe la plage encore éclairée par quelques réverbères. Un tank est garé devant l'entrée de la plage privée de l'hôtel et trois soldats égyptiens jouent aux cartes.
  - Quand même, vous avez fait des découvertes déterminantes. C'est déjà indéniable. Grâce à vous, nous savons tous deux qu'il existait, il y a 12 000 ans, des géants qui habitaient une île au centre de l'océan Atlantique, qui vivaient 1 000 ans et mesuraient 17 mètres de haut. Et ces nouvelles connaissances, c'est à vous que nous les devons.
  - Vous me croyez alors.
  - Bien sûr, sinon je ne serais pas là maintenant. Mais cela ne change rien : vous m'avez persuadée, mais vous n'avez pas persuadé les autres. Tant que ce n'est pas prouvé, tout cela n'existe pas.
  Il est tenté de la serrer dans ses bras et il a envie de l'embrasser, mais craignant d'être repoussé, il se retient. Il se contente d'être repris par son tic à l'œil auquel elle répond avec son habituel clin d'œil complice.

  J'aimerais lire le scénario préécrit de ma vie pour savoir s'il est possible qu'il se passe quelque chose entre nous. Comme j'aimerais l'embrasser. Comme j'aimerais me blottir contre elle. Mais elle me semble tellement inaccessible.
  Ils se couchent dans la même chambre, mais chacun dans un lit.
  - Bonne nuit, René.
  - Bonne nuit, Opale.
  Cependant, l'excitation de sa découverte et son envie de faire l'amour avec Opale le maintiennent éveillé.
  Ne trouvant pas les bras de Morphée, il est tenté de retourner voir où en sont les Atlantes, mais il se dit que cela ne sert à rien de déranger Geb, qui doit être en train de bâtir sa nouvelle capitale de Mem-phis. Alors lui vient l'idée d'ouvrir une autre porte.
  Dix marches d'escalier. Porte de l'inconscient. Couloir aux 111 portes.
  Il formule son vœu : " Je veux découvrir la vie où j'étais le plus à l'aise pour séduire les femmes. "
  La lampe rouge au-dessus de la porte 72 s'éclaire.


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