vendredi 28 septembre 2018

80.

Enfin.
  Après quinze jours de traversée depuis le port de Hyères, le Poisson volant arrive en vue des côtes égyptiennes.
  Ne sachant pas si un mandat international a été lancé contre lui, René pense qu'il vaut mieux se faire discret et, plutôt que de rejoindre une grande ville, propose d'accoster dans la station balnéaire de Marsa Matruh, à 300 kilomètres à l'ouest d'Alexandrie.
  Ils approchent des côtes, entrent dans le petit port et amarrent leur voilier à un ponton. Lorsque le responsable du service des douanes vient réclamer leurs passeports et procéder à une visite du bateau, Opale lui propose un billet de cent euros. L'Égyptien se crispe.
  - Vous tentez de me corrompre avec de l'argent ? s'offusque-t-il dans un anglais parfait.
  René propose quatre billets supplémentaires.
  - Vous aggravez votre cas, je crois que je vais aller chercher mes collègues et que nous allons fouiller ce bateau qui m'a l'air hautement suspect. Drogue ? Alcool ? Cigarettes ? Vous êtes des criminels ?
  Mais déjà Opale a le réflexe de lui poser la main sur l'épaule.
  - Non, vous ne ferez pas ça, dit-elle, en plongeant ses grands yeux verts dans les siens.
  - Et pourquoi donc ?
  - Parce que vous êtes fatigué. Vous êtes très fatigué, même.
  - Non, ça va.
  - Si, vous avez la sensation d'être épuisé. Votre travail est probablement épuisant. Il vous faut des forces. Je vais vous aider. Regardez mon collier, il a le pouvoir de détendre les gens.
  Il hésite à poursuivre sa démarche hostile, puis, par curiosité, jette un œil au bijou placé dans le décolleté plongeant.
  - Ne le quittez pas des yeux, il va vous faire du bien.
  Elle enlève son collier avec le dauphin en lapis-lazuli et l'utilise comme un pendule.
  - Suivez le poisson. Ne le quittez pas des yeux. Il vous fascine et vous donne de l'énergie. Vous laissez entrer cette énergie en vous. Vous êtes de plus en plus fatigué, mais vous continuez à fixer le dauphin. Maintenant, je vous autorise à faire ce dont vous avez le plus envie : baisser les paupières.
  Il obéit.
  - Écoutez-moi bien, ma voix est le seul son que vous entendez et il vous guide. Laissez-le vous indiquer ce que vous devez faire. Vous allez dire à vos collègues que tout va bien sur ce bateau, n'est-ce pas ?
  - Oui.
  - Si vous faites ce que je vous ai demandé, vous serez heureux. Mais d'abord, vous allez régler pour nous toutes les formalités administratives.

  L'homme acquiesce.
  - Et c'est parce que vous l'aurez fait que dans votre vie tout va s'arranger. Mais si vous nous trahissez, il ne vous arrivera que des malheurs. Vous tomberez gravement malade, la chance vous abandonnera, personne ne vous aimera plus. Est-ce de cela que vous voulez ?
  - Non, je ne le veux pas.
  - Alors c'est votre choix. Faites ce qui semble le mieux pour vous. À trois, vous rouvrirez les yeux et vous vous sentirez en parfaite forme. Votre seule envie sera de nous faciliter la vie à nous aussi. 1... 2... 3.
  Elle claque des doigts. Le douanier a la tête d'un homme qui vient de comprendre quelque chose d'important.
  Une fois que le douanier est parti, encore un peu hagard, René l'interroge :
  - C'est très impressionnant, vous pouvez m'expliquer comment cela fonctionne ?
  Opale poursuit son enseignement.
  - C'est un peu comme s'il y avait un chef d'orchestre dans notre cerveau. L'hypnose nous permet de proposer à ce chef d'orchestre de le remplacer. Il suffit de le demander gentiment dans un contexte que l'autre peut accepter sans qu'il ait l'impression de se faire flouer. Il doit se sentir en confiance. Alors, nous prenons la place du chef d'orchestre dans son cerveau et nous dirigeons différemment tous les musiciens. C'est encore le principe de la proposition-acceptation. Une fois que l'ancien chef d'orchestre a cédé sa place, on peut proposer aux musiciens de jouer une autre mélodie que celle qu'ils ont l'habitude d'interpréter.
  - Et peut-on aller contre le libre arbitre du sujet ?
  - Non. Il faut que la personne ait envie ou, en tout cas, ne voie pas d'objection à être hypnotisée. Ensuite, il faut lui proposer des suggestions acceptables. Je ne pense pas que j'aurais pu demander à ce douanier de se mettre nu. Cela serait entré en conflit avec la pudeur que ses parents lui ont inculquée. Il ne faut surtout pas aller contre les valeurs profondes de l'individu. Au contraire, il faut l'accompagner dans une direction vers laquelle il a déjà envie d'aller, sans le savoir. Allez, sortons d'ici, je commence à en avoir assez de la mer, je veux marcher sur la terre ferme.
  Affublés de leurs vêtements de touristes européens, le couple arrive dans la petite ville qui ne compte pas encore parmi les hauts lieux touristiques d'Égypte, et semble plus prisée par les Égyptiens que par les Occidentaux.
  Aussitôt, des enfants accourent, pour mendier, leur proposer des guides touristiques, ou tenter de leur vendre des petites pyramides en fer doré. Ils crient tous le même mot : " Euros, euros ".
  Les deux Français donnent un peu d'argent, ce qui a pour effet de doubler le nombre d'enfants autour d'eux. Ils achètent un guide et s'installent au Beau Site Hôtel, un établissement moderne qui se trouve en front de mer. Les alentours de l'hôtel sont surveillés par des soldats armés et une chenillette. Il y a un checkpoint pour pénétrer dans la zone touristique, mais on ne leur demande pas leurs papiers, leur accoutrement de touristes et leur allure suffisant à les identifier.
  C'est dans cet hôtel qu'ils comptent passer leur première nuit confortable. Le Beau Site Hôtel est un grand établissement en forme de U donnant directement sur une plage privée avec, au centre, un jardin de palmiers.
  Les deux Français déposent leurs bagages, se douchent, rangent leurs affaires, puis vont dîner au restaurant le Panorama, face à la mer. Après avoir commandé deux couscous aux légumes et avoir appris que le restaurant servait bien du vin, ils se détendent. René feuillette le guide touristique.
  Il trouve la page retraçant l'histoire du lieu.
  - Marsa Matruh existait déjà en Égypte antique. Alexandre le Grand l'a baptisée Amunia, puis les Romains l'ont rebaptisée Paraetonium. C'est ici que Cléopâtre et Marc Antoine se sont rencontrés et c'est là qu'ils ont commencé leur idylle.
  Et c'est ici que j'aimerais bien commencer la mienne avec vous.
  - Assez parlé d'histoire ! Concrètement, c'est quoi votre plan maintenant ? questionne-t-elle.
  - Je vais guider Geb jusqu'ici. Ensuite mon idée est de les inciter à installer une colonie atlante.
  - Et en quoi le fait que nous soyons ici va changer quelque chose ? Vous auriez pu accomplir la même mission depuis n'importe où.
  - Je voudrais proposer à Geb de laisser une preuve matérielle incontestable de leur existence dans un lieu précis. Si je l'avais déterminé simplement sur une carte ou sur Internet, nous ne pourrions pas faire de repérage sur le terrain ni récupérer cette " preuve matérielle ".
  - Mais pour l'instant elle n'existe pas, n'est-ce pas ?
  - Geb devra la fabriquer. Je vais lui en parler ce soir.
  - C'était cela votre plan depuis le début ?
  - De toute façon, je ne pouvais pas rester en France au risque de finir en prison ou pire... de retourner auprès de Chob.
  Un frisson le parcourt au souvenir des traitements que lui a infligés le psychiatre pervers. Il mange son couscous en tentant d'évacuer ces images de son esprit.

  - Ce que je ne comprends pas, c'est vous, Opale. Vous avez tout abandonné pour me suivre au risque d'être considérée comme ma complice. Vous avez tout à perdre à rester avec moi.
  - D'accord, je vais vous dire la vérité : premièrement, comme vous le savez, je suis persuadée d'avoir moi aussi été atlante ; deuxièmement, je crois que nous nous sommes déjà rencontrés auparavant et que j'ai des choses importantes à accomplir avec vous, et, troisièmement, je sais au fond de moi qu'il n'y a que vous qui soyez capable de débloquer cette foutue porte de mon inconscient.
  Alors qu'un serveur dépose une bouteille de vin local égyptien, le Kouroum of the Nile, René a soudain une idée :
  - " Selon moi vous n'êtes pas "que" ce que vous croyez être, alors saurez-vous vous rappeler qui vous êtes vraiment ? "
  - Que voulez-vous dire ?
  - C'est votre phrase d'accroche, non ? Eh bien, c'est peut-être cette phrase qui est la clef de votre déblocage.
  - Je ne comprends pas.
  - Peut-être que vous ne m'avez pas raconté la vraie histoire sur votre passé.
  - Je vous l'ai dit : je suis hypermnésique, je me souviens de tout en détail.
  - À moins que vous n'ayez, malgré tout, oublié ou caché des éléments sans vraiment en avoir conscience. On est tous prisonniers de l'histoire qu'on se raconte sur soi-même. Même si elle est fausse.
  - Le passé que je vous ai raconté est la vérité.
  - " Votre " vérité. Par exemple, vous m'avez dit que votre enfance était merveilleuse, avec des parents extraordinaires qui vous aimaient. Et soudain, j'ai un doute. Et s'il existait un mensonge entourant votre passé prétendument si heureux, que vous auriez si bien " mémorisé " ?
  Il lui sert une belle rasade de vin. Elle fait signe qu'elle n'a pas soif.
  - Buvez.
  - Je n'en ai pas envie.
  - C'est pourtant le remède à votre problème. In vino veritas. Dans le vin la vérité. Je crois que vous êtes complètement sous contrôle et, depuis que nous nous connaissons, je ne vous ai jamais vue boire jusqu'à vous enivrer. Comme si vous aviez peur de vous détendre vraiment.
  Elle le regarde différemment, inspire puis souffle lentement.
  - Je n'aime pas boire trop d'alcool, c'est tout.
  - Vous craignez de perdre le contrôle ? Alors je vous pose la question : qu'est-ce qui vous effraie, Opale ? Vous m'avez dit vous-même que vous pensiez que j'étais le seul à pouvoir vous débloquer. Faites-moi confiance, ce n'est rien d'autre qu'un petit coup de main chimique, n'est-ce pas ?
  Technique de programmation neutro-linguistique de base : utiliser les mêmes tics de langage que la personne face à soi pour la convaincre inconsciemment qu'on est similaires.
  Opale accepte de boire un peu.
  - Encore. Je veux vous voir complètement saoule.
  - Et vous, vous ne buvez pas ?
  - Le médecin n'a pas besoin de consommer le médicament qu'il prescrit, élude-t-il.
  Elle boit encore plusieurs gorgées. Lorsqu'elle a absorbé la dose que René estime nécessaire, Opale se retient difficilement d'éclater de rire.

  - Je crois que je suis pompette, déclare-t-elle. C'est ce que vous vouliez, n'est-ce pas ?
  - Parfait. Alors je vais vous poser des questions et vous allez y répondre sans réfléchir.
  Il lui prend les deux mains et les serre fort.
  - Fermez les yeux.
  Elle a de nouveau un petit rire mal contenu, avant d'obtempérer.
  - Quel est le premier mauvais souvenir de votre enfance qui vous vient à l'esprit ?
  Elle ouvre d'un coup les yeux. Il lui dit, d'un air sévère :
  - Vous voulez débloquer la situation ou non ?
  Elle referme les yeux.
  - Eh bien... Il y a ce jour où...
  Elle fronce les sourcils.
  - Je suis dans la cour de récréation... Je dois avoir 8 ans... Il y a une fille qui arrive près de moi. Elle s'approche comme si elle craignait ma réaction, puis d'un coup elle me colle une gifle et déclare...
  Opale s'arrête net dans son récit.
  - Oui ? demande-t-il.
  - Elle dit... " SALE ROUSSE QUI PUE " !
  Elle grimace comme si elle recevait à nouveau l'insulte en pleine figure.
  - Toutes les filles autour se moquent de moi et applaudissent. Elle a dû se fixer ça comme défi. " Chiche que je suis capable de gifler Opale et de l'insulter. "
  - Vous réagissez comment ?
  - Je la poursuis pour lui rendre sa gifle. Je suis en rage et en larmes, mais je ne cours pas assez vite. Tous les autres élèves me voient la poursuivre en vain et tous se moquent de moi. Ensuite...
  Elle s'interrompt, la phrase reste en suspens.
  - Ensuite ?
  Comme Opale n'arrive plus à parler, il lui sert un autre verre de vin. Et comme elle garde les paupières closes, il introduit délicatement le bord du verre entre ses lèvres et en verse doucement dans sa bouche pour qu'elle continue de boire sans se déconnecter.
  Des clients du restaurant commencent à les observer de loin.
  - Opale, racontez-moi ce qu'il s'est passé ensuite.
  - Ensuite la cloche sonne et nous rentrons tous en cours. Mais je suis encore furieuse à cause de la gifle et de l'insulte. Et je sens tous les regards des autres élèves posés sur moi, des regards satisfaits, comme si elle avait eu le courage de dire tout haut ce que tous pensaient tout bas. Je pleure et respire fort, alors le professeur me demande ce qui ne va pas. Je ne réponds rien. Mon voisin de table prend la parole : " C'est Violaine qui a traité Opale de "sale rousse qui pue", monsieur. " À nouveau toute la classe éclate de rire. Violaine se lève et fait un geste triomphal pour bien montrer qu'elle assume complètement son geste, comme un torero qui aurait planté une banderille, à ce détail près que le taureau, c'est moi. Le professeur dit : " Bon, vous vous calmez tous, et toi, Opale, si tu n'arrêtes pas de pleurer, tu sors ! " Il me dit ça comme si c'était moi qui étais fautive. Mais je ne peux pas m'arrêter de pleurer, alors le professeur répète : " Si tu ne te calmes pas, Opale, je te mets dehors. " Et comme je n'arrive toujours pas à m'apaiser, le professeur m'ordonne de quitter la salle, et toute la classe éclate de nouveau de rire. Comme il a dit " Je te laisserai revenir en classe lorsque tu seras calmée " et que je ne suis pas calmée, plutôt que d'attendre derrière la porte de la classe, je rentre chez moi. Arrivée à la maison, je n'ose pas raconter à mes parents ce qu'il s'est passé.
  Elle s'arrête.
  - Et ensuite ?
  - Les jours suivants, je sens les regards des autres élèves qui me voient désormais comme la " sale rousse qui pue " et qui, en plus, n'a même pas été capable de se venger. Je me dis que personne ne m'aidera jamais, ni les professeurs, ni les autres élèves, ni mes parents. Je prends peu à peu conscience que je suis seule dans un monde hostile et que ça sera comme ça jusqu'à ma mort.
  Il lui prend la main pour lui manifester son soutien.
  - Ce n'est pas tout. Me revient un autre mauvais souvenir de ma jeunesse, reconnaît-elle.
  - Je vous écoute.
  - C'est bien plus tard. Je suis dans un théâtre, au premier rang. J'admire mon père. Soudain, ma mère surgit. Elle monte directement sur scène en plein milieu du tour de la femme coupée en morceaux et lui dit : " Si tu crois que je ne sais pas que tu couches avec mon mari, salope ! " Elle dévoile en même temps le double fond de la boîte et fait perdre la face à mon père devant tous les spectateurs.
  - C'est pour cela que vous avez pris le relais comme assistante, je présume.
  - Après ça mes parents se disputent tout le temps. Ma mère reproche à mon père de monter sur scène pour séduire les femmes, elle veut qu'il arrête son métier. Lui refuse, fait valoir que la magie, c'est sa vie. Ma mère se met à boire, elle devient violente et agressive, même avec moi. Un jour je la vois prostrée, le regard fixe, qui répète qu'elle a raté toute sa vie, qu'elle est nulle. Elle est soignée avec des antidépresseurs, ça la soulage, mais elle ne fait plus que dormir et, quand elle est éveillée, elle semble totalement amorphe. Pourtant, elle continue son travail de psy, et les clients ne voient pas qu'elle va moins bien qu'eux et ne se rend présentable qu'à coups de cosmétiques dissimulant son vrai visage.
  Opale laisse passer un temps, visualise les images de l'époque pour clore son récit.
  - Je me dis : " Jamais je ne serai comme elle. " Pourtant, je ne sais pas pourquoi, je finis par faire les mêmes études qu'elle, je vais au bout de cette " expérience " et je me résous finalement à faire le même métier que mon père.
  Elle s'effondre en larmes dans les bras de René qui la réconforte. Elle ouvre les yeux et les autres clients les observent de loin, de plus en plus nombreux.
  - Ça va aller. Ça va aller. C'est une vie normale, dit-il. Tout le monde vit des choses similiares, c'est juste que vous vous l'étiez dissimulé à vous-même. Maintenant, vous êtes face au réel et peut-être que ce soir on pourra essayer de débloquer, après la porte de vos souvenirs d'enfance, celle de votre inconscient.
  - Et il n'y a pas que ça, dit-elle. Par la suite, la situation n'a fait que s'aggraver, et pourtant mes parents ne voulaient toujours pas divorcer. Alors ma mère dénigrait de plus en plus souvent le travail de mon père. Elle l'insultait. Mon père, pour sa part, disait que ma mère était folle. Elle s'est mise à fumer de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle meure d'un cancer du poumon.
  Opale tente de sourire malgré ses yeux humides.
  - Nous avons tous un ou plusieurs cadavres cachés dans le placard.

  - Ces deux histoires ont eu une influence capitale sur toute mon évolution. J'avais la hantise d'être une " rousse qui pue ", alors je me badigeonnais de parfum. Je crois que je m'en mettais même un peu trop. Je devais sentir la cocotte.
  - Moi, je trouve que vous sentez bon. Même sans parfum.
  - Je me suis teinte en blonde, puis en brune. Quant à mes parents, j'ai finalement choisi mon camp, c'est-à-dire celui de mon père, en abandonnant le métier de ma mère pour les spectacles de magie, puis d'hypnose.
  Il lui tend un kleenex, elle s'essuie, se mouche, puis prend une belle rasade de vin rouge qu'elle boit d'un trait.
  - Excusez-moi, c'est comme si vous aviez ouvert une vanne et que l'eau n'arrivait plus à s'arrêter de couler.
  - L'eau éteint le feu.
  Elle regarde René sérieusement.
  - Vous croyez que cette expérience peut m'aider à ouvrir la porte de mes mémoires antérieures ?
  - Vous avez rendu fluide la période qui vous sépare de votre naissance. On peut espérer que cela ait aussi débloqué la porte menant à vos vies précédentes.
  - Mais quand même. Cette fille qui m'a insultée, Violaine... Pourquoi a-t-elle fait ça ?
  - Probablement qu'elle avait elle-même ses problèmes et qu'elle s'est dit qu'en arrivant à rendre une autre fille malheureuse cela la soulagerait.
  - Vous croyez qu'il y a des gens fondamentalement méchants ?
  - Il doit y avoir, là encore, une raison précise à leur méchanceté. Je l'ai vu avec le docteur Chob, c'était visiblement un psy qui prenait plaisir à faire souffrir ses patients pour avoir un sentiment de contrôle et de toute-puissance. Il avait à mon avis une motivation profonde, un complexe d'infériorité.
  - Excuse facile.
  - Vous avez raison, il ne faut pas toujours chercher des excuses, il y a réellement des gens qui veulent rendre les autres malheureux. Mais de ce que j'ai entendu de votre trajectoire, vous avez finalement eu une jeunesse avec des avantages et des handicaps qui s'équilibrent.
  Un bruit les interrompt. Un serveur a allumé le grand téléviseur et plusieurs clients se regroupent pour suivre un match de football.
  Opale et René sentent que c'est un signal de départ pour eux.
  - Je suis prête, dit-elle. Rentrons à la chambre et effectuons une séance avant que ne sonne le rendez-vous de 23 h 23.
  À nouveau, il a envie de la prendre dans ses bras, mais se retient.


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