vendredi 28 septembre 2018

89.

- Je crois que j'ai trouvé, dit Opale.
  Alors que le soleil se lève, les deux Français sont déjà installés sur la terrasse de leur chambre donnant sur la mer. René utilise son ordinateur portable, et Opale, grâce à une rallonge, peut se servir de l'ordinateur mis à disposition par l'hôtel. Chacun se consacre à l'étude de cartes de la région pour trouver l'emplacement idéal.
  Opale désigne sur l'écran une grotte qui sert actuellement de musée historique, la grotte de Rommel, où les Allemands se sont cachés pour préparer la bataille de El-Alamein durant la Seconde Guerre mondiale. René la déçoit :

  - Ça n'ira pas, pour deux raisons. Tout d'abord, c'est un musée, donc il y a trop de passage. Ensuite, les Atlantes doivent pouvoir y pénétrer. Il faut donc que cela fasse au moins vingt mètres de hauteur.
  Elle cherche encore, mais s'aperçoit qu'il n'y a rien qui corresponde à ces critères dans la région de Marsa Matruh. Elle élargit donc le périmètre de ses recherches à 20, 100 puis 300 kilomètres.
  - Cette fois ça pourrait mieux convenir, annonce-t-elle enfin. Il s'agit d'une oasis au sud, proche de la Libye. Le lieu est entouré de montagnes de calcaire truffées de grottes : l'oasis de Siwa.
  Il vient examiner le lieu par-dessus son épaule.
  - Cela a l'air parfait, mais c'est à quelle distance d'ici précisément ?
  - 307 kilomètres. Mais une route construite récemment relie directement Marsa Matruh à Siwa.
  Il consulte sa page Internet. Cette oasis est en effet située dans une dépression rocheuse en plein milieu du désert, dans la zone de culture berbère. Opale l'informe :
  - C'est une oasis isolée en plein désert, mais il semble que, depuis la nuit des temps, elle ait connu une activité humaine. Ce serait là qu'aurait mystérieusement disparu en 500 avant Jésus-Christ l'armée du roi perse Cambyse II qui avait détruit tout le nord de l'Égypte. C'est aussi là qu'a été construit le temple d'Ammon, l'un des lieux où l'on rendait les oracles. En -331, l'oracle d'Ammon aurait confirmé à Alexandre le Grand qu'il descendait du dieu Ammon, ce qui lui aurait permis de s'autoproclamer nouveau pharaon. Par la suite, l'endroit a été habité par les Berbères et a constitué un carrefour de peuples, un croisement de routes pour le commerce de l'ivoire, de l'encens, de l'or, des animaux exotiques. En 708, les Berbères arrivent à contenir l'invasion arabo-musulmane et protègent le lieu qui tiendra comme une poche de résistance solide jusqu'au XIIe siècle. Le premier Européen à y être allé était un explorateur anglais, en 1792. Le développement touristique du site est récent et l'électricité n'a été installée dans l'oasis de Siwa qu'en 1987.
  - Et vous avez repéré une montagne plus intéressante qu'une autre pour y cacher les jarres ?
  - Oui, il y en a une qui me semble à la fois assez haute et truffée de tout un réseau de grottes qui communiquent. Elle a un drôle de nom, il ne faut pas être superstitieux, " la montagne de la mort ".
  - Parfait, vous pouvez me donner son emplacement exact ?
  Elle lui montre la page Internet.
  - Ah non, cela n'ira pas. C'est un haut lieu touristique, où on a trouvé des tombes égyptiennes. Pas vraiment un lieu préservé des visites humaines inopportunes.
  Le professeur d'histoire réfléchit.
  - Il y a d'autres montagnes ?
  Elle cherche, puis annonce :
  - Ça y est, j'en ai trouvé une qui correspond mieux à vos critères. " La montagne blanche ". Elle est plus haute, plus grande et plus creuse que la montagne de la mort. Elle a trois grottes. Elle est dépourvue d'intérêt selon les guides touristiques : une montagne de roche claire remplie de scorpions et de serpents.
  - Parfait. Ne perdons pas de temps, allons-y. Ce soir, nous nous installerons dans un hôtel de Siwa et, demain, nous irons vérifier l'emplacement. Je ferai ensuite une séance d'hypnose régressive pour retrouver Geb et lui indiquer où il pourra cacher les rouleaux de parchemin.

  Ils rangent rapidement leurs affaires, règlent la note et quittent l'hôtel. Ils trouvent dans Marsa Matruh une agence de location de voitures, optent pour une jeep tout-terrain et, après avoir fait des réserves d'eau, acheté un jerrican d'essence et du matériel d'excavation, ils sortent de la ville.
  Ils roulent vers le sud.
  Peu à peu, les immeubles périphériques laissent la place à des fermes, puis à de rares arbustes et, enfin, au désert.
  À l'horizon, seulement des dunes de sable. Tout devient beige et lisse. Seul l'asphalte anthracite de la route nationale indique la présence humaine. Et encore, très peu de voitures circulent sur cette voie. En dehors d'un bus de touristes, d'une charrette de vendeur de pastèques et d'un camion militaire, ils ne croisent personne.
  Des pancartes en arabe alternent avec des panneaux indiquant que des chameaux risquent de traverser la route. Pour ne pas s'assoupir, ils mettent la climatisation et l'" Été " des Quatre Saisons de Vivaldi. Il fait de plus en plus chaud et la route commence à devenir brûlante.
  L'horizon s'étire dans un halo flou qui semble vouloir les happer.

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