vendredi 28 septembre 2018

42.


  La cellule s'ouvre. On leur sert des sandwichs. Le type pâle claque des dents, puis, tout d'un coup, se lève et se tape la tête avec violence contre la vitre plastique en laissant une marque. 
  - Je n'ai pas faim. Filez-moi une dose ! Je ne tiendrai pas longtemps !
  Comme personne ne réagit, il tape sa tête de plus en plus fort contre la vitre jusqu'à la couvrir d'une large tache rouge. L'ivrogne lâche un rot et la prostituée a un éclat de rire. 
  Je suis avec les rebuts de la société.
  Les prisons pour ceux qui sont considérés comme des parias. Les hospices pour les trop usés.
  À nouveau, il se rappelle que la société atlante a réussi à garder l'unité de la communauté humaine, que personne n'est rejeté : pas d'exclus, pas d'envahisseurs et pas de révolte. 
  Le coup de tête régulier du drogué sur la paroi transparente mime le tic-tac d'une pendule. Un policier entre et lui demande d'arrêter de taper, ce à quoi le jeune homme répond de nouveau : 
  - J'ai besoin d'une dose !
  Le policier hausse les épaules et préfère partir. L'autre continue son manège.
  Conscient. Inconscient. Subconscient. Une fois franchie la barrière de l'inconscient, on se heurte au subconscient où sont cachées les subpersonnalités.
  Derrière cet ivrogne, cette prostituée et ce drogué se trouvent des ressorts élaborés dans les vies précédentes.
  La prostituée devait être une bonne sœur qui s'ennuyait. L'ivrogne était peut-être privé d'alcool. Le drogué... je ne sais pas. Quelqu'un qui voulait s'évader d'un monde trop cartésien pour lui ?
  René Toledano n'attend qu'une chose : 23 h 23, l'heure magique pour retrouver Geb. Plus que de le retrouver, il ressent le besoin de se connecter à ce monde d'harmonie. Il veut revoir la ville-fleur de Mem-set posée sous son volcan. Il veut retrouver le sourire serein de Geb. 
  À 23 h 15, il décide de se lever et d'appeler le garde.
  - Pardon, puis-je aller aux toilettes ?
  Un garde l'accompagne aux toilettes. René constate qu'il n'y a pas de loquet.
  Finalement, les WC, il n'y a que là qu'on est tranquille.
  Léontine l'avait déjà pressenti. Cela peut facilement devenir ma cabine de voyage dans mes vies antérieures. Et ce qui est pratique, c'est qu'il y en a partout et que je n'ai besoin d'aucun équipement.

  À 23 h 21, sans prendre garde aux inscriptions et souillures du lieu, il est déjà assis en tailleur, le dos droit, en position du lotus, les yeux clos. Il visualise l'escalier, et descend les marches avec un sentiment de soulagement. Il ouvre la porte 1, mais ne se retrouve pas cette fois-ci sur la plage aux cocotiers. 
 

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