vendredi 28 septembre 2018

123. MNEMOS. LA DISPARITION D'UN PEUPLE.

Parfois, ce sont carrément les souvenirs de l'existence complète d'un peuple qui sont oubliés. Ainsi, en Tasmanie, vivait il y a plus de 10 000 ans une population indigène avec sa propre langue et sa propre culture.
En 1642, le Néerlandais Abel Tasman est le premier Européen à poser les pieds sur cette île située au sud de l'Australie. Suivront, en 1772, un Français (Marion-Dufresne), puis, en 1773, un Anglais (James Cook).
En 1803, une colonie anglaise, essentiellement formée d'un bagne avec ses prisonniers et ses gardiens, est installée sur la côte sud. Les anciens criminels, transformés en agriculteurs, développent une économie en perpétuelle croissance. Et, tandis que les Anglais se débarrassent de leurs condamnés, les Tasmaniens sont progressivement chassés de toutes les terres potentiellement cultivables pour finir confinés dans une zone désertique. L'alcool et la syphilis font des ravages chez les Tasmaniens, si bien que de 1803 à 1833 la population passe de 5 000 individus à 300. Des missionnaires sont envoyés pour convertir les survivants, selon le postulat qu'ils ont dû commettre bien des péchés pour que le sort s'acharne à ce point sur eux. Cela ne suffit pas à arrêter l'hémorragie démographique.
Les derniers Tasmaniens, dont on ignore jusqu'au nom qu'ils utilisaient pour se désigner, cessent de faire des enfants et perdent le goût de vivre. En 1876, des anthropologues emmènent dans la ville d'Hobart celle qui est considérée comme la dernière Tasmanienne, une femme nommée Truganini, morte à l'âge de 64 ans. Sa dernière phrase avait été adressée à son médecin : " Ne les laissez pas me couper en morceaux. " Après son décès, son corps fut exposé dans la vitrine du Tasmanian Museum comme pièce de collection. Et il fallut attendre 1976, centenaire de sa mort, pour que, malgré les objections de ce musée, son corps soit incinéré. Le groupe australien Midnight Oil lui rendit hommage avec la chanson " Truganini ".
C'est tout ce qu'il reste comme souvenir de la civilisation indigène de Tasmanie : une chanson de rock.

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