vendredi 28 septembre 2018

97.

- Vous plaisantez ? Vous avez bien dit des Atlantes ? Dans une caverne située près d'une oasis dans le désert égyptien ? Désolé, nous n'avons pas de temps à perdre avec ce genre de balivernes.
  On lui raccroche au nez. Opale et René sont revenus dans leur chambre d'hôtel. Ils tentent de contacter par téléphone, une à une, les rédactions de toutes les chaînes de télévision, de tous les magazines, de tous les quotidiens.
  Personne ne les prend au sérieux, malgré leurs tentatives d'explications. Chaque fois ils obtiennent pour seule réponse moqueries, ricanements et blagues. Le plus souvent, les personnes contactées raccrochent d'un coup, sans même prendre la peine de clore la conversation.
  - Nous allons rencontrer des difficultés pour diffuser notre découverte, n'est-ce pas ?
  - Tout ce qui est nouveau paraît au début ridicule, avant d'être considéré comme dangereux, pour enfin devenir une évidence. Par exemple, la tour Eiffel.
  - Le droit de vote des femmes est aussi passé par ces trois phases...
  René tente ensuite de contacter des responsables de rubriques dans les journaux d'histoire ou d'archéologie. Il se heurte à des refus polis et revoit progressivement ses exigences à la baisse. Seuls les sites new age, de magie ou de complots se disent intéressés et prêts à relayer l'information, mais René conseille à Opale de ne surtout pas poursuivre sur cette voie :
  - Leur soutien ne ferait que décrédibiliser encore plus notre découverte.

  - Dans ce cas, nous n'avons officiellement aucun relais et nous avons accompli et découvert tout cela pour rien.
  Alors, résigné, René tente son va-tout. Il compose un numéro.
  - Élodie, il faut que tu m'aides.
  - René ! Tu es où ? Tout le monde te recherche !
  - Je sais, et pas forcément pour mon bien. Toujours le skinhead et l'incendie de l'hôpital ?
  - Mais non ! Pour le skinhead, finalement, la police a trouvé une vidéo où l'on voit bien qu'il était menaçant et qu'il s'est enfoncé lui-même le couteau dans le corps.
  Bon sang, se pourrait-il que le malheur vienne et reparte aussi facilement ? Dire que si je ne l'avais pas rappelée, je n'aurais jamais su que tout s'était résolu sans que je n'aie rien à faire.
  - Tu risques seulement des ennuis pour non-assistance à personne en danger. On aurait peut-être pu le sauver. Mais on ne te reprochera plus de l'avoir tué. Tu ne pourras être inculpé que pour avoir jeté le corps dans le fleuve. C'est évidemment beaucoup moins grave.
  - Et pour l'hôpital ?
  - Une femme, une patiente, a été interrogée et affirme avoir assisté à la scène. Elle a raconté que Chob était en train de la torturer et que c'est toi qui lui es venu en aide. Il y a suffisamment d'indices troublants pour que la police mène l'enquête à charge contre lui. Finalement, c'est lui qui risque d'être inculpé ! Tu peux revenir et tu pourras même donner ta version des faits, tu n'es plus mis en cause. Et je peux te garantir que Chob redoute ton témoignage.
  Ainsi, la roue tourne. Parfois, il suffit d'attendre et la situation se transforme. Ce qui est en bas monte et ce qui est en haut tombe.
  - Pour l'instant, j'ai une autre urgence à régler là où je me trouve. Et toi seule peux m'aider. C'est pour cela que je t'appelle, j'ai vraiment besoin de ton aide.
  - Tu es où ?
  - Dans l'oasis de Siwa au sud de l'Égypte, en plein milieu du désert du côté de la frontière libyenne.
  - Qu'est-ce que tu fais dans le désert ? Tu es allé là-bas pour échapper à la police ?
  - Je vais t'expliquer. Mais avant cela, il faut à tout prix que tu fasses quelque chose pour moi et aussi pour la vérité.
  Il l'entend lâcher un soupir désabusé.
  - Oh non, ne me dis pas que tu es encore parti dans tes délires atlantes ?
  - En fait, c'étaient des géants. Cela dépasse nos petites individualités, c'est une information qu'il faut que le monde apprenne. Une vérité historique à rétablir.
  - Bon, ok, je t'écoute.
  René Toledano explique alors avec force détails tout ce qui lui est arrivé depuis la dernière fois où ils se sont vus. Quand il a fini de raconter, la professeure de sciences laisse s'écouler un long silence.
  - Et tu dis qu'il y a des jarres qui peuvent prouver tout cela ?
  - Deux jarres et deux squelettes. Il n'y a plus qu'à venir sur place authentifier les pièces et faire la datation au carbone 14. Alors, il n'y aura plus le moindre doute.
  - Cela paraît quand même un peu fumeux. C'est quoi tes indices ?
  - J'ai des photos. Je les ai prises il y a quelques heures à peine.
  - Tu peux me les envoyer sur mon adresse mail ?
  Le professeur d'histoire sélectionne les meilleurs clichés et les lui expédie.
  Élodie examine les clichés.
  - Je dois reconnaître que les images n'ont pas l'air truquées, ou alors, si ce sont des montages, c'est sacrément bien fait.
  - Je te jure que ce n'en est pas.
  - Et tu affirmes que tu as dynamité un rocher qui obstruait l'entrée d'une grotte pour accéder à cette découverte. Comment pouvais-tu savoir qu'il y avait quelque chose derrière ?
  - Si tu te donnes la peine de te déplacer pour venir ici me rejoindre, je te montrerai et je t'expliquerai.
  - Ne me dis pas que c'est encore par l'hypnose régressive ?
  - Peu importent les moyens, c'est le résultat qui compte. Tu as vu les photos et si tu viens ici tu verras tout et tu comprendras. Nous sommes en face d'une découverte archéologique et historique fondamentale. Notre connaissance du passé risque d'être complètement bouleversée par cette révélation.
  Élodie Tesquet hésite.
  - Écoute, pour une fois j'ai envie de te faire confiance. Je vais voir ce que je peux faire pour t'aider. Tu as besoin de quoi précisément ?
  - Il me faudrait un scientifique crédible et un journaliste connu pour permettre à l'information d'être diffusée et reconnue.
  René raccroche.
  - Il n'y a plus qu'à attendre, dit-il à Opale.
  Ils diffusent à nouveau sur l'écran du grand téléviseur de leur chambre les photos. Ils s'arrêtent sur celle qui expose en plan large les deux squelettes géants étendus dans la caverne. La vision des os des mains unies leur procure un petit pincement au cœur.

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