vendredi 28 septembre 2018

39.


  La plus haute autorité du lycée Johnny-Hallyday le fixe d'un air dépité.
  - Les Grecs seraient des envahisseurs qui détruisent les civilisations voisines pacifiques et avancées ? Un élève remet en question vos cours, donc vous lui tordez le poignet ? Et maintenant, l'Atlantide et le Déluge présentés comme une information historique ? Vous n'avez pas tenu compte de mes avertissements, Toledano. Je peux encore vous excuser en prétextant que vous êtes surmené, voire un peu dépressif, mais je ne pourrai pas vous couvrir longtemps. Je vais finir par devoir signaler votre comportement en haut lieu. Je vous en prie, reprenez-vous.

  - Et si je refuse ?
  - Je ferai en sorte que vous soyez mis à pied. Ce serait vraiment stupide d'en arriver à cette extrémité.
  Ai-je déjà connu ce type dans une de mes vies précédentes ?
  - De toute façon, vous n'avez pas le choix.
  - On a toujours le choix.
  Joignant le geste à la parole, René saisit une feuille de papier d'un tas posé sur le bureau du proviseur. Il sort un stylo, rédige un texte puis retourne la page.
  - Je ne suis pas un élève, je ne suis pas un enfant. On n'a pas à me dire comment je dois faire mon métier. Voilà ma lettre de démission. Vous pourrez enseigner à vos moutons la gloire des assassins, continuer à leur bourrer le crâne avec des sujets qui font consensus, ce qui ravira leurs parents incultes et fiers de l'être.
  Puis le professeur d'histoire claque la porte pour aller s'enfermer dans les toilettes.
  C'est complet. J'ai tué, j'ai démissionné. Tout ce qui me rattachait au monde " normal " s'effrite. Pourtant, je ne me suis jamais senti aussi en phase avec ce que je suis vraiment. C'est le prix à payer pour divulguer la vérité à ceux qui ne veulent pas l'entendre.
  À l'extérieur, la foudre résonne et illumine la petite fenêtre des toilettes.
  Ça ne pouvait pas se passer autrement. C'est comme si j'avais toujours su que j'allais en arriver à ce point de rupture.


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