vendredi 28 septembre 2018

65.

Les vagues sont comme d'immenses mains pointues dont les ongles sont formés d'écume nacrée. Il fait nuit et ils sont sous la pluie, l'orage et la tempête. La houle les secoue et le vent gonfle la grand-voile et le foc. Debout à la barre, René se sent étonnamment bien. La pluie et le vent, loin de l'inquiéter, le rassurent.
  Je quitte l'ancien monde où je n'ai plus ma place.
  Une vague particulièrement forte le gifle et le fait chuter. Il se relève et, brandissant le poing vers le ciel, hurle :
  - MÊME PAS PEUR ! IL EN FAUDRA PLUS POUR M'ARRÊTER !
  À nouveau l'orage gronde.
  J'irai chercher mon destin. Car c'est cela que j'ai toujours voulu.
  Trouver ma vraie route. Changer ce qui peut être changé. Exprimer qui je suis vraiment par-delà le regard et le jugement des autres. Je suis enfin à ma place et j'adore ça.
  Opale crie pour couvrir le bruit des bourrasques :
  - Nous devrions peut-être tenter de rejoindre la côte italienne. À la radio, ils annoncent que le vent devrait augmenter. Ils ont évoqué des vents de force 7.
  - Non, ça va aller, il faut juste garder le cap. Vous vous sentez bien ? Pas de mal de mer ?
  Bien que livide, elle hoche la tête.
  - Ça ira.
  - Dès que la météo se calmera un peu, je vous laisserai la barre et j'irai rejoindre Geb, ok ?
  Elle approuve.

  Cependant, la bourrasque ne fait qu'augmenter, les vagues se font plus grandes et le Poisson volant est secoué dans tous les sens. Malgré l'obscurité de la nuit, la pluie, René ne quitte pas l'heure des yeux. À 23 h 10, il fait signe qu'il va s'isoler dans sa cabine.
  - Ne me dérangez sous aucun prétexte.
  - Donc vous allez...
  Le brouhaha couvre la suite de sa phrase.
  - Je pars empêcher le déluge qui a détruit l'Atlantide. Je pense que l'ambiance sera encore plus mouvementée qu'ici.
  - Bon courage. Je suis sûre que vous arriverez à les sauver.
  - Dans les films, quand un personnage prononce cette phrase, en général cela échoue.
  - Vous n'êtes quand même pas superstitieux, n'est-ce pas ?
  - Vu les circonstances, je vous avouerai que je commence à le devenir un tout petit peu.
  Elle lui fait un clin d'œil complice, auquel il répond par son tic involontaire de l'œil droit, indiquant qu'il est entré dans une phase de stress. Il part s'installer sur sa couche. Il préfère finalement installer un hamac dans la coursive centrale, pour compenser le roulis.
  Balancé dans ce lit suspendu, il ferme les yeux. Il visualise l'escalier. Il ouvre la porte de l'inconscient. Il marche dans le couloir aux 111 portes, remonte jusqu'à la première et, avant de tourner la poignée de la porte 1, il pense :
  Je veux retourner dans la vie de Geb, juste avant qu'il n'ait à affronter le Déluge.




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