vendredi 28 septembre 2018

46.

La première nuit en garde à vue dans le commissariat se passe mieux que René ne l'aurait imaginé. Quand il se réveille, Cécilia ronfle aussi fort que l'ivrogne. Le garde ouvre la porte de la cellule.
  - René Toledano ? Visite pour vous.

  Il se lève et suit l'homme en uniforme qui le guide vers le bureau du lieutenant Raziel. Une femme est assise.
  - Élodie ! Qu'est-ce que tu fais là ?
  Tous deux s'étreignent.
  - Je te l'ai dit, je suis ton amie, je ne te laisserai jamais tomber, René.
  - Tu es venue pour me libérer ?
  - Non, pour te transférer dans un hôpital psychiatrique. J'ai accompli toutes les démarches nécessaires et j'y suis arrivée.
  Il marque son incompréhension. D'un geste, elle lui indique qu'elle contrôle la situation et qu'il doit lui faire confiance. Ils sortent, escortés de policiers. Ils se retrouvent dans l'entrée à attendre le véhicule qui transférera René.
  Élodie s'explique.
  - J'ai une amie d'enfance qui est avocate. Je l'ai appelée. Je lui ai expliqué la situation : que tu n'étais pas " responsable " car tu avais été traumatisé à la suite d'une expérience d'hypnose qui avait mal tourné. Nous avons cherché ensemble une solution. Elle a discuté avec la juge qui a accepté d'entendre ses arguments. Plutôt que la prison, elle a proposé que tu sois mis en observation dans un milieu hospitalier.
  - Et la juge a accepté ?
  - Elle m'a interrogée au préalable. Je lui ai expliqué dans le détail comment cela s'était passé à La boîte de Pandore. Elle a demandé un supplément d'enquête. Mais l'avocate lui a déjà fourni des éléments, les images d'une caméra-vidéo du théâtre qui a filmé la scène de ton hypnose. On t'y voit complètement hystérique, en train de hurler et de bondir pour quitter la péniche-théâtre. Elle a donc considéré que tu étais " sous influence ". L'hypothèse du choc psychique a été prise en compte. Il y aura un procès, mais évidemment il sera facile de plaider l'irresponsabilité. Voilà pourquoi tu vas pouvoir poursuivre ta détention jusqu'au procès dans un vrai hôpital psychiatrique qui va tout faire pour te soigner.
  - Quel hôpital ? Sainte-Anne ?
  - Marcel-Proust, le nouvel hôpital ultramoderne spécialisé dans les problèmes de mémoire. Tu seras en secteur fermé évidemment, mais j'ai un autre ami en interne qui devrait te faire bénéficier d'un traitement de faveur.
  - Et là-bas, ils vont me faire quoi ? Des tests psychologiques pour savoir si je suis responsable de mes actes ?
  Élodie adopte son ton le plus rassurant :
  - Là-bas, on va réparer l'accident provoqué sur ton esprit. On va t'enlever ce " faux souvenir de guerre " qui t'a bouleversé, ainsi que les autres délires qui se sont ensuivis. Et après, tu seras comme avant. Tu seras " guéri ".
  L'idée ne le séduit pas autant qu'elle l'espérait. Cependant, il approuve son amie et se laisse emmener par le policier dans une voiture, où se trouvent déjà deux autres hommes en uniforme. Le véhicule déclenche sa sirène au milieu des embouteillages parisiens.
  Autour d'eux, la pluie force les piétons à marcher lentement, leurs parapluies déployés comme des fleurs noires dans ce décor gris.
  Quelle était la formule de Geb déjà ? Ah oui, " Tout ce qui nous arrive est pour notre bien ". Cela reste à vérifier.

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