vendredi 28 septembre 2018

19.

Il marche sur les berges de la Seine.
  C'est à cet endroit que je l'ai tué.

  Il inspire profondément.
  Ce skinhead dont j'ai raccourci l'existence, qui était-il avant ? Et qui va-t-il devenir ensuite ?
  Il observe le fleuve sur lequel un rat mort flotte, glissant de gauche à droite, emporté par le courant.
  Il faut que j'arrête de m'apitoyer sur mon sort. Désormais je sais qu'il n'y a pas qu'un seul sac de mémoire. Il y en a plusieurs. Et c'est la découverte de mes autres mémoires qui m'a transformé aujourd'hui en homme capable de tuer.
  Il rentre chez lui, se couche en espérant que cette fois le sommeil va venir.
  Il repense à Geb, l'homme qu'il a été, si tranquille, flegmatique et détaché. Le simple fait de l'avoir vu, de lui avoir parlé, d'avoir échangé leurs visions du monde l'a ouvert sur une perspective nouvelle. Par le bienfait de cette simple rencontre il a l'impression que... rien n'est grave.
  Tant qu'on est vivant, toutes les contrariétés ne sont que des péripéties dans le flux de la vie. Sans elles, on s'ennuierait.
  Cette rencontre, aussi brève soit-elle, a déjà transformé René. Elle a provoqué l'effet diamétralement opposé à celui de l'ouverture de la porte 109, sur Hippolyte Pélissier. En somme, la connaissance de vies passées est parfois maléfique et parfois une bénédiction.
  Si peu de temps passé ensemble et pourtant quel bouquet de sensations ! Avec Hippolyte j'ai eu une impression de pesanteur, avec Geb, de légèreté.
  René Toledano remonte son drap jusqu'au menton et s'endort en se remémorant le décor de plage de sable blanc et fin sur fond de cocotiers, l'océan rempli de dauphins joyeux et l'air embaumé du parfum des fleurs exotiques.

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